B >> Le Confort
6 / Les façons d'habiter.
6.1 / L'évolution des comportements.
II y a autant de façons d'habiter que d'habitants. Si l'on compare
avec les façons de consommer, on note une même tendance à
la disparition d'habitudes standardisées. Les individus cherchent
de plus en plus à se démarquer, à se procurer des
produits originaux et personnalisés. Quelles que soient leurs catégories
socio-professionnelles, les français n'hésitent pas à
acheter des produits haut de gamme, quitte à faire des sacrifices
par ailleurs. Une attitude qui s'observe dans l'achat du logement.
6.2 / Les socio-styles.
La Fédération Nationale du Bâtiment a fait réaliser
en 1986 une étude sur les attentes des consommateurs relatives
à leur habitat en fonction de leurs styles de vie. Cette étude
a fait émerger quatre styles d'habiter : famille « espace »,
famille « maison », famille « tradition »
et enfin, famille « confort ». La famille « espace »
est la plus insatisfaite de son logement actuel. Elle cherche à
bénéficier à la fois des avantages de la ville (activités,
rencontres) et de la campagne (espace, nature) ; dans son organisation
interne, elle privilégie l'indépendance de chacun et la
convivialité. La famille « maison » est ouverte
à l'innovation, à la nature et aux amis, elle se lasse des
configurations trop fonctionnelles et désire un logement particulièrement
personnalisé. La famille « tradition » est
plutôt satisfaite de son logement, si son architecture extérieure
est de forme trapue et assez massive, l'organisation interne est très
cloisonnée, les enfants notamment sont tenus à l'écart.
La famille « confort » est d'autant plus insatisfaite
qu'on la trouve surtout en habitat collectif : manque d'espace, promiscuité,
anonymat urbain, absence de nature. Elle a tendance à se replier
sur elle-même et rêve d'acheter une maison susceptible de
protéger la cellule familiale, d'assurer une rentabilité
économique et de proposer du confort matériel.
6.3 / Prévoir ?
II est de nombreux autres phénomènes de société
ayant des répercussions dans les façons d'habiter : le travail
des femmes, le chômage, les animaux domestiques, le pouvoir d'achat,
la recherche simultanée d'autonomie et de communauté...
La complexité des études sur la société rend
les exercices de prévision particulièrement périlleux.
Or, ses conséquences sur l'habitat doivent être prises en
compte par les architectes. Il est important pour les décideurs
en ces domaines de suivre de près les évolutions sociales.
Un bâtiment étant construit pour au moins cinquante ans,
si les concepts architecturaux actuels de l'habitat ont vingt ans de retard
comme c'est parfois le cas, dans cinquante ans ils auront soixante-dix
ans de retard !
« Cette montée en puissance de l'habitat comme milieu
se traduira rapidement par le besoin d'un cadre de vie plus flexible,
plus diversifié, plus proche des usagers. Sans vouloir extrapoler
à coup sûr l'évolution de l'automobile, il est possible
d'envisager pour un avenir proche l'apparition d'un véritable mouvement
« consumériste ». La difficulté est
alors double : comment anticiper la demande et comment définir
les modes constructifs correspondants. Le problème est désormais
désigné en marketing comme celui des « besoins
latents ».
« Pour gérer l'innovation, il est donc indispensable
d'apporter aux donneurs d'ordre, à la fois un outil leur permettant
de mieux définir leurs attentes et une préfiguration des
possibilités envisageables et ce non pas sous la forme de modèles
répétitifs mais plutôt comme un potentiel accessible »[1].
6.4 / Vers une nouvelle architecture de la maison.
Pascal Amphoux : « La domotique, en tant qu'innovation technologique,
ne pénétrera pas le logement de façon convaincante
sans innovations sociales et architecturales parallèles ».
6.4.1 / Le rôle de l'architecte.
Jusqu'à présent, les architectes ont peu réagi aux
nouvelles technologies et à l'évolution des réseaux
domestiques. Privilégiant la partie « beaux-arts »
à la partie technique du bâtiment, ils ont délaissé
cet aspect, ce qui a profité à d'autres corps de métiers
(bureaux d'études, métreurs...). Frustrés par les
limites budgétaires incontournables, peu ont compris que la domotique
engendrait un renouveau possible de l'habitat et de leur profession.
Les produits et leurs usages, les systèmes, les comportements et
les évolutions sociales ont des conséquences sur l'architecture.
Face à la volonté de différentiation, l'individu
désireux de se faire construire sa maison a besoin d'un interlocuteur
unique susceptible de façonner une maison correspondant à
son mode de vie, une maison correspondant à l'usage que lui et
sa famille veulent en faire. Cela concerne la distribution des espaces,
mais aussi les équipements, les rangements, le chauffage, la sécurité,
l'isolation phonique, etc. Les architectes ont traditionnellement une
approche « espace » de l'habitat, les constructeurs
ont une approche économique, la domotique est l'occasion d'introduire
une approche « usage » à l'écoute
de l'occupant.
6.4.2 / Domotique et espaces.
La domotique, le réseau domestique et tous les équipements
qu'elle gère bouleversent le mode d'organisation traditionnel des
espaces. Le rapport avec l'objet et le rapport avec les autres changent.
C'est ce qui fait dire à Roger Perrinjaquet de l'Ecole Polytechnique
fédérale de Lausanne : « Des luminaires, des
appareils portables, des commandes à distance façonnent
d'autres découpages, de nouvelles spacialités. Le paysage
sonore est modifiable. L'immatérialité et la miniaturisation,
les deux principales caractéristiques attribuées aux nouvelles
technologies, correspondent en fait à une rematérialisation
et une création d'isolats infra-spatiaux ».
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[1] Maurice Cotte et Oktay Ural, Habitat
pour le 21ème siècle, XIXème congrès mondial
à Alès.
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